Variable or not variable : telle est la question

Mars-avril 2020, premier confinement… Le moral des équipes plonge. Les perspectives de recrutements pour nos clients sont au point mort ; plus de bureaux, plus de bande joyeuse et énergisante ; le morcellement des équipes et du travail isolent les Coachs et les Sales les uns des autres… L’information se perd souvent. Et il faut courir après un chiffre d’affaires faiblissant.


Il est rapidement devenu urgent de donner un second souffle aux Sales, nerfs de la guerre, en instaurant un variable pour doper leur motivation et leur impact.


Problème : la carotte, ce n’est pas dans l’ADN d’Ignition Program ! (le bâton non plus d’ailleurs…) Cravacher à coups de primes, être carnassier, se voler un client ou placer tel candidat en fonction d’un variable ? C’est à l’opposé des valeurs de notre startup, celles qui ont attiré et fidélisé nos salariés. Chez nous, on ne jure que par le Why : « Grandir et faire grandir ». Du coup, l’instauration d’un variable, comme dans 90% des boites, c’est prendre le risque de perdre notre ADN, notre sens du service client. Et de casser l’esprit d’équipe dont on est si fiers.


Alors, pour ou contre le variable ? Culture de la méritocratie versus rentabilité ? Jackpot ou danger ?


Retour sur un débat interne passionné, entre Matthieu Laulan, Head of Candidate Care et Chloé Lasry, Head of Sales

Comment en est-on venu à parler de variable ?

Chloé Lasry, Head of Sales : « Avec le confinement, et un business tombé à 40% du CA habituel, impossible de continuer comme avant le Covid19. Et pas le temps de prendre suffisamment de champs pour voir ce qui va fonctionner à 100%. Nous devions challenger nos façons de faire rapidement, et profiter de cette crise pour rebondir plutôt que subir. Mais en full remote, et avec une activité de nos clients presque à l’arrêt, comment réénergiser les équipes ? Il nous fallait des leviers incitatifs. C’est là qu’on a parlé variable. »


Matthieu Laulan, Head of Candidate Care : « D’emblée, je n’ai pas été aligné. Si on est venu chez Ignition Program, c’est d’abord pour les perspectives d’évolutions rapides, la forte autonomie, la grande cohésion des équipes. On s’est toujours battu ensemble durant les sprint avant les vacances, pour réussir nos challenges. La réussite a toujours été collective… Alors pourquoi changer ? Instaurer une rémunération variable, pour moi, c’était faire comme tout le monde, rendre notre métier très commun, nous faire perdre notre ADN. C’était aussi l’inverse de notre culture : d’abord servir le client ! On risquait à la fois la destruction de notre team spirit en induisant  une compétition entre les Sales pour se piquer les meilleurs candidats, et la défiance de nos clients à qui on répétait inlassablement qu’on ne touchait pas de variable pour placer le candidat chez eux… »

Variable d’ajustement, pour une nécessaire réorganisation interne…

Chloé : « Pour moi, je vois tout de suite le variable comme Le bon argument pour remotiver mes Sales. Car mon équipe commerciale se retrouve seule en première ligne durant la crise pour sauver la boite. Et on lui demande, en plus, de réinventer le métier, en allant chercher elle-même de nouveaux clients - alors qu’auparavant, les Sales transformaient les leads et closaient. Comment exiger d’eux davantage sans leur offrir plus en contrepartie… ?

Mon deuxième argument pour instaurer un variable, c’est le manque d’ownership des Sales. La crise et le confinement ont révélé un poison, indétectable en période de prospérité : notre collectif, très soudé, a tué la niaque individuelle et inhibé le sens des responsabilités de chacun. Instaurer un variable, selon moi, c’est redonner à chacun l’envie de maîtriser son propre pipe, sans pénaliser les salaires pour autant. »


Matthieu : « Le problème, c’est qu’avec un métier de Sales en plein pivot, il faut - de fait -réaligner aussi les objectifs des Coachs et des Matchmakers au sein d’Ignition Program. Et ce n’est pas un petit changement : tout le business model d’Ignition s’inverse ! Avant, Ignition, c’était d’abord un extraordinaire vivier de bons candidats pour des entreprises clientes, qui venaient piocher dedans. Mais si les Sales se mettent à démarcher de nouvelles entreprises, l’acquisition candidats change alors de visage : on doit maintenant attirer des candidats en fonction du besoin immédiat des entreprises clientes. Ce renversement des priorités risque d’affecter notre rapport aux candidats comme aux clients. Avec d’autres possibles effets pervers, comme un esprit de compétition malsain entre les Sales et entre les Coachs."


Chloé : "Au contraire, c’est un super coup de pied dans la fourmilière. Ça recentre le challenge sur l’adaptation perpétuelle au besoin client ! Cela nous force à aligner nos objectifs en fonction d’un paramètre simple : comment chacun peut-il concrètement contribuer au CA ? Qu’est-ce que chacun - ou chaque pôle - apporte à la boite ? C’est quand même ça l’ambition première d’une entreprise ! Fonctionner plus corrélés."


Matthieu : "Pour moi, rien ne prouve que le variable va doper l’impact des Sales. A contrario, on est sûr du danger qu’il représente pour le collectif. Particulièrement en remote, sans bureaux, où  les pratiques sont, de fait, moins mises en commun, entre équipes. Et ça induit une autre source de stress dont on se passerait bien en pleine crise. Car dans un tel schéma, que devient la légitimité des autres équipes et des Ops, tous ceux qui ne sont pas Sales et qui ne vendent rien ? " 

Variable or not variable ?

Chloé : "Cela n’a pas été très bien accueilli au départ. Quand on a mis la proposition du variable sur la table, l’équipe commerciale s’est affolée, voire même révoltée : « Comment peut-on atteindre un seuil d’impact supérieur alors qu’on ne parvient même pas à remplir les objectifs d’avant Covid19, c’est surréaliste !

En fait, on a fait plusieurs erreurs lors de cette annonce.

1/ Le choix du mot « variable » n’était pas le bon… en réalité, personne ne baissait de salaire. Il s’agissait d’un bonus. Une prime à la surperformance.

2/ Le nouvel objectif semblait moins atteignable avec la crise. Car on a confondu « Objectif » avec « Conditions de l’atteinte du bonus » (il faut que les objectifs soient smart, mesurables et timés dans le temps, alors que là sur le papier, cela semblait bien trop ambitieux);

3/ l’affolement venait aussi du fait que les Sales n’avaient pas les bonnes armes pour y arriver, il leur manquait des techniques commerciales plus agressives et des règles pour ne pas se  tirer dans les pattes avec un variable individuel. Leur inquiétude : qu’on devienne des bourrins. Du coup, on s’est dit qu’instaurer un bonus ne suffisait pas…"


Matthieu : "Le boulot, c’est un mixte entre le kiffe, le salaire et l’apprentissage… Avec la crise et le confinement, il y avait forcément moins de kiffe, car les équipes ne se voyaient plus. On a donc décidé de doper l’apprentissage et l’incitation à bien faire."

Se former pour surperformer !

Chloé : "Pour surperformer, il faut de la motivation et de bons outils. On a donc fait des formations commerciales pour gagner en efficacité et faire tomber les craintes. Après un mini audit et quelques tests de vente avec un cabinet de formation, il ressortait clairement qu’il y avait, au sein d’Ignition Program, un gros engagement en équipe dans la boite vis-à-vis de la mission d’Ignition, mais un manque d’engagement dans le métier de vente. Il nous manquait une vraie culture sales, de la méthode, un mindset de la gagne, la volonté de faire bouger les choses en profondeur, de réinventer le métier et de ne pas avoir peur de parler d’argent, d’aller chercher les boites qui résistent…

La condition, c’est que ça incite les Sales à surperformer, soit à performer comme un mois très bon, mais dans une période peu propice. C’est aussi un effort double, car il faut aller chercher les boites pour les convertir. Pour moi, la période d’incitation devait donc être suffisamment longue - 3 mois – pour donner toutes leurs chances aux Sales. Et fixer un seuil qui permette d’atteindre le bonus : le point mort + 20%, puis on l’a individualisé. A partir de 110K sur mai-juin-juillet, un Sales pouvait donc toucher la prime de surperformance !"

Et jusqu’ici ?

Chloé : "Le chiffre d’affaire a clairement remonté sur la période mai-juin . On va voir en juillet-août… Mais surtout, on a restimulé les équipes, redonné le goût du challenge avec de super discussions en interne ! La crise nous avait ébranlé. Grâce à la prime à la surperformance, on a retrouvé un chiffre d’affaire cohérent, hors chômage partiel, et poussé chacun à être acteur de cette remontada. Surtout, on a mis en place un changement profond qui n’a pas pris 6 mois/1 an : la crise, en ce sens, a été un accélérateur, un élément de compression."


Matthieu : "Côté business, ça semble porter ses fruits, les Sales et les Coachs tentent beaucoup plus de choses pour satisfaire à la fois les objectifs et les clients. Certes, on parle moins de l’harmonie interne et ce bonus va sans doute doper un esprit de compétition ; Mais j’ai la foi : chez Ignition, on sélectionne des salariés qui ont un bon esprit d’équipe dès le début, pour qui la transparence, la bienveillance, sont des valeurs fondamentales au quotidien. Je parie sur les personnes ! La prime ne sera pas le loup dans la bergerie…"



Dans le prochain et dernier épisode, on vous livre le résultat final de cette expérience ! Bonus, rentable ou faux levier ? Wait and see

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