Le Management situationnel : introduction
J'ai fait une école de management, et pourtant je n'y connais rien. À 21 ans, on a cherché à m’apprendre l’alpha et l’oméga du management. Le hic : la proportion de jeunes diplômés qui accèdent à un poste de management et qui peuvent mettre en pratique ces “apprentissages” est proche de ... zéro. Je ne suis pas Manager, et d’ici à ce que je le sois, le temps aura fait son oeuvre, et j’aurai à peu près tout oublié. Mémoire sélective, quand tu nous tiens.
Résultat des courses : le jour où ce sera vraiment mon job, mon premier réflexe sera la débrouille et l’improvisation, pour le meilleur et pour le pire. Chez mes camarades de promotion, j’entends souvent l’expression d’une lassitude résignée : le management est vécu comme une manifestation de la hiérarchie, une gestion humaine approximative qui échoue à faire grandir les gens et à les aligner avec les besoins de l'entreprise. Alors qu'est-ce qu'on fait ?
J'ai été mis sur la piste du concept de "Management Situationnel", mis au point par Paul Hersey et Ken Blanchard. L’approche managériale chez Ignition Program s’appuyant sur leurs propositions, je suis parti en quête de connaissances et de témoignages sur le sujet.
Le modèle du Management situationnel
L'autonomie, socle du Management situationnel
Le présupposé initial est qu’une organisation efficiente est une organisation qui maximise l’autonomie de chacun de ses membres. Par autonomie, on entend la capacité d’une personne à prendre les meilleures décisions liées à leur quotidien.
L’autonomie recherchée est à distinguer de l’indépendance :
- L’autonomie, c’est agir en consultant de manière juste des avis éclairés (vision ouverte).
- L’indépendance, c’est faire par soi-même avec les moyens du bord (vision fermée).
Dans le management situationnel, le manager joue ainsi un rôle de tremplin en aidant son managé à développer son impact et sa justesse d’action.
L’autonomie se construit autour de deux piliers fondamentaux :
- Le niveau de compétence (C), ou "Savoir-faire", qui représente la connaissance théorique, la connaissance pratique et le potentiel d'évolution.
- Le niveau de motivation (M), ou "Envie de faire", qui représente le désir d'entreprendre, l'engagement et la confiance en soi.
Comment définir le degré d'autonomie de votre managé ?
Au nombre de 4, les différents niveaux d'autonomie du Management situationnel, nommés D1, D2, D3, D4, sont ainsi définis en fonction des niveaux de motivation et de compétence du managé.
- D1 ou "Le débutant enthousiaste" [Compétence faible - Motivation forte] : Pierre vient d’arriver, il est enthousiaste et plein d’énergie, excité par toutes les perspectives de son nouveau travail. Mais il est encore incompétent et a besoin d’être formé.
- D2 ou "L'apprenant lucide" [Compétence moyenne - Motivation faible] : après un premier échec face à une tâche complexe, Julie réalise un certain écart entre ce qui doit être fait et ce qu'elle sait faire, ce qui est source de frustrations. Il s'agit d'un moment "creux" pour elle, et ses niveaux de motivation et de compétence sont tous les deux bas.
- D3 ou "Le capable prudent" [Compétence élevée - Motivation moyenne] : à ce stade, Quentin sait faire, et tire de ses progrès une nouvelle motivation, qui le pousse notamment à s'engager plus dans les décisions de son pôle. Seulement, manquant encore un peu de confiance et de structure, il ressent encore le besoin d'être épaulé et validé par son manager.
- D4 ou "L'expert autonome" [Compétence excellente - Motivation excellente] : Marie est compétente et totalement responsabilisée sur son poste. Cela dit, elle commence à se demander quelles sont ses perspectives d'évolution au sein de l'entreprise.
Pour évaluer plus facilement le niveau de maturité professionnelle de vos managés, on vous propose un template simple d'utilisation ici !
Comment adopter une juste attitude managériale ?
M1 - Diriger : "Je dis, je décide"
Votre rôle
Transmettre à votre managé les bases de son métier.
Le style "Directif"
Durant cette étape, vous assumez un rôle de "micro-manager" : vous contrôlez, décidez et suivez de près toutes les actions de votre managé. Cela peut paraître liberticide, mais c'est en réalité nécessaire au bon développement de votre managé. Pour que cela soit bien vécu, il sera ainsi important de rassurer votre managé sur l'aspect transitoire de ce management, et de lui expliquer la bonne intention derrière cette démarche : lui permettre d’être opérationnel au plus vite.
L'exemple
Lors de ses 2 premiers mois d'onboarding, Fanny, Matchmaker chez Ignition Program, était ainsi suivie de près par Violette, sa manager. Durant cette période, Fanny devait mettre systématiquement Violette en copie de ses mails de démarchage, afin que cette-dernière puisse la corriger et lui partager des pistes d'amélioration. Cela peut paraître agaçant, mais cela a en réalité permis à Fanny de monter très vite en compétences et de devenir plus rapidement autonome. En outre, sentant une coopération et une volonté d'apprendre de la part de Fanny, il était plus facile pour Violette de lui accorder sa confiance et de la laisser gagner en autonomie.
L'erreur
Vous laisser persuader que votre managé n'a pas besoin de ce suivi appuyé. Certains profils auront en effet tendance à vouloir tendre très rapidement vers l'autonomie et la liberté. Ne capitulez pas. Sans cette étape préliminaire, il y a de fortes chances que votre managé parte dans une mauvaise direction, ce qui lui sera préjudiciable. En cas de contestation, réexpliquez-lui votre bonne intention, et faites le voir plus loin : un peu de liberté en moins aujourd’hui, c’est beaucoup plus d’autonomie demain.
M2 - Entraîner : "Je décide, parlons-en"
Votre rôle
Énergiser votre managé et le mettre en confiance.
Le style "Explicatif"
Votre managé maîtrise les bases, mais rencontre ses premières difficultés face à la subtilité de son métier. La résultante : une baisse d'énergie et une perte de confiance. Durant cette période, vous aurez ainsi deux rôles-clés. Premièrement, un rôle d'éducateur : vous devrez identifier les points bloquants, et transmettre à votre managé la connaissance qu'il lui manque. Et deuxièmement, un rôle de motivateur : vous devrez remettre votre managé en confiance en lui faisant accomplir des tâches simples mais gratifiantes (des "quickwins").
L'exemple
Fanny avait bien compris les bases du métier de Matchmaker, mais elle avait fait face à une situation dans laquelle elle avait eu du mal à distinguer les subtilités du business model d'un client. Le bon geste de Violette a alors été de lui faire un challenge de 2h pour la faire travailler sur les différents business models existant en startup, afin de pallier à ce manque de connaissances. En conséquence, Fanny pouvait identifier plus rapidement le business model de son client, lui proposer ainsi des solutions plus adéquates, et se sentir donc plus pertinente.
L'erreur
Penser qu'un profil "Senior" n'a pas besoin de votre aide. On a souvent la croyance erronée que les gens expérimentés sont instantanément performants et qu'ils peuvent donc monter en selle sans transition. Or c'est une erreur. Un même métier ne se pratique pas de la même manière d'une entreprise à l'autre : il est donc important de ne pas négliger votre rôle en D2, car c'est à cette étape que l'on transmet les subtilités de son entreprise, de son métier et de son secteur.
M3 - Épauler : "Parlons-en, tu décides".
Votre rôle
Engager votre managé et l’encourager à décider.
Le style "Participatif"
Dans cette phase, votre rôle est de responsabiliser et d'engager votre managé, en l'habituant progressivement à prendre des décisions. Vous ne décidez plus, vous éclairez ! Vous dialoguez avec lui, vous co-construisez, vous partagez votre point de vue et votre expertise, mais le mot de la fin lui appartient désormais. Il sera donc important que vous soyez dans une posture d'écoute, et que vous incitiez votre managé à prendre les devants.
L'exemple
Chloé, managée par Violette, devait par exemple recruter son premier managé. Dans ce contexte, le rôle de Violette n'était alors pas de pousser Chloé à choisir un candidat plutôt qu’un autre, mais plutôt de s'assurer que Chloé disposait de tous les éléments pour prendre une décision éclairée. Dans cet exemple, cela consistait par exemple à aider Chloé à mettre en place des méthodes lui permettant de mieux évaluer ses candidats (business case, ...) et à lui expliquer l’historique d’Ignition sur ce sujet.
L'erreur
Vouloir encore décider ou vouloir faire marche arrière. Le D3 est une transition : votre managé fait ses premières décisions, mais aussi potentiellement ses premières erreurs décisionnelles. Le cas échéant, n'oubliez pas que le droit à l'erreur est nécessaire au progrès. En outre, vous devez également accepter l'idée que votre managé, en vertu de ses compétences, est désormais tout aussi pertinent que vous, si ce n'est plus, sur certains sujets. Il est donc important de votre part d'adopter une posture d'humilité : écoutez avant de contester.
M4 - Déléguer : "Tu dis, tu décides"
Votre rôle
Déléguer et préparer l'avenir.
Le style "Délégatif"
Lorsque ce seuil est franchi, votre degré d'intervention dans le travail de son Managé devient minimal. Vous êtes en retrait, et laissez ainsi toute l'initiative et la prise de décision à votre managé. Votre rôle devient alors plus consultatif, et vos échanges ont pour but de transmettre l'information, d'engager votre managé sur des problématiques plus stratégiques, mais aussi de l'aider à trouver de nouveaux challenges.
L'exemple
Lorsque Ben a atteint son D4, Violette, ayant un besoin différent de discussion avec lui, a décidé de changer le format de leurs points one-to-one. Ces-derniers se faisaient alors plus "à la demande", lorsque Ben avait besoin par exemple de conseils sur un sujet particulier, ou que Violette avait besoin de lui parler de la stratégie du pôle.
L'erreur
Vous reposer sur vos lauriers. Vous pouvez être fier du chemin parcouru, mais vous devez rester à l'écoute des besoins de votre managé. Il est performant, en pleine confiance, mais c'est en général à ce stade qu'il commencera à se lasser de son poste, et conjointement, à être courtisé par d'autres entreprises. Vous avez donc pour rôle de lui redonner de l'énergie et de lui trouver de nouvelles perspectives et défis au sein de votre entreprise.
Schéma de synthèse du Management situationnel
Besoin d’un petit pense-bête sur ces différents styles de Management ? Vous pouvez garder sous la main le petit schéma de synthèse ci-dessous.
Les pièges du Management situationnel
Différents domaines, différents degrés d'autonomie
Il est possible de définir différents niveaux de maturité (D1, D2, D3, D4) selon les missions de votre managé. Il peut par exemple être en D4 sur son expertise de Traffic manager mais être en D2 sur son expertise de manager. Cela demandera un peu plus d'effort de suivi de votre part, mais c'est selon nous un excellent moyen de développer une vision détaillée de l'évolution de votre managé. Cela vous permettra de gagner en granularité dans vos actions, et de mettre en place des solutions adaptées à chaque expertise de votre collaborateur.
Progression et régression
Le Management situationnel est un schéma de progression, qui n'exclut pas la régression. Un employé en D3 pourra retomber en D2, par exemple s'il rencontre une baisse de moral ou d'efficacité. La vie professionnelle n'est pas linéaire, et les niveaux d'énergie et de performance d'un managé peuvent varier en fonction des périodes et des difficultés.
Super, et c’est quoi la suite ?
La pratique ! Car oui, la science humaine n’est pas une science exacte. Il est donc important de rester ancré dans la réalité, et de mettre les mains dans le cambouis. Observez, écoutez, appliquez, analysez, et recommencez : un bon management se construit par itération. Cet article était un prélude, et ce qui nous tiendra à coeur par la suite, ce sera de vous accompagner dans cette quête du juste management, et de vous aider à vous en approcher plus rapidement. Vous pourrez ainsi compter sur d’autres tutoriels comme celui-ci, mais aussi sur des formations plus spécialisées dans le Management comme SpineUp. Dans nos prochains articles, nous vous proposerons notamment d’en savoir plus sur ce qu’on appelle chez nous “les 3 niveaux d'écoute”. Ce n'est pas de nous mais c’est un super outil que nous utilisons au quotidien, qui vous permettra d’analyser beaucoup plus en finesse les prises de parole de vos managés.
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