Soigner l'accueil et l'intégration des nouvelles recrues
Souvent, les startups - par manque de temps, de moyens financiers ou humains - ne soignent pas suffisamment l’accueil et l’intégration des nouvelles recrues. Un vrai gâchis humain et organisationnel quand sait que....
Un salarié sur sept démissionne après 15 jours de travail, et que près de 30% des onboardés quittent leur poste dans l’année même de leur recrutement.
Mais depuis l’irruption du Covid 19 et ses conséquences économiques, tout a changé. Avec le remote forcé du confinement, certaines startups ont stratégiquement opté pour une continuité en télétravail, afin de s’alléger provisoirement de la charge des bureaux. En pleine crise, ces dernières ne peuvent plus s’offrir le luxe d’une déperdition d’énergie sur le recrutement. Ces startups souhaitent donc maintenant accorder un soin tout particulier à l’épineuse question de l’onboarding à distance, devenu Le nouvel enjeu RH. Et le nouveau casse-tête…
Comment accueillir un nouveau collaborateur sans le voir physiquement, comment garder un contact humain, développer un esprit de challenge et enrichir un lien managérial avec cet inconnu ? Quelles pratiques d’onboarding sont désormais obsolètes, et lesquelles sont à privilégier à distance ?
Pourquoi c’est important de ne pas bâcler un onboarding ?
Un manager qui expédie un onboarding - « allez, 2 jours, c’est bien suffisant » ou « il faut bien qu’il se jette à l’eau pour apprendre à nager » - c’est un peu comme un avion qui s’écraserait au décollage, ou un gardien de but qui marquerait contre son camp…
Non seulement le manager sabote la mission dont il est en charge auprès de l’onboardé, mais il impacte aussi négativement :
- Les RH et personnes en charge du recrutement, qui ont souvent investi un long process pour dénicher le talent, et qui se retrouvent, en cas de démission, à devoir tout recommencer (impact : coût horaire double pour un seul recrutement) ;
- Les équipes en interne, qui attendent l’onboardé et qui, ne pouvant pas compter sur lui, se démotivent ;
- L’image de l’entreprise auprès d’autres futurs talents. Une mauvaise réputation est si rapidement faite et si difficile à reconstruire...
Quel est l’impact de l’onboarding en full remote
Quel est l'impact de l'onboarding en full remote sur la socialisation, la productivité et l’engagement ?
Les pratiques d’onboarding impossibles ou altérées en full remote.
Comme la plupart des entreprises confinées, Ignition Program a dû faire le deuil de ses pratiques initiales d’onboarding, devenues obsolètes en full remote :
- La présentation synchronisée à toute la boite, au cours de réunions hebdomadaires durant lesquelles l’onboardé fait la connaissance des équipes mais s’imprègne aussi de la culture et des codes propres à l’entreprise,
- Les afterworks (nombreux chez nous) pour faire connaissance en dehors du lieu de travail,
- Le small tchat bienveillant à la machine à café – qui permet de nouer des liens et en vrai, de se faire expliquer le truc que le manager vient de nous demander, et qu’on ne connaît pas et qu’on a pourtant fait semblant de connaître par cœur devant lui, histoire de ne pas avoir l’air déjà défaillant, 15 jours après l’embauche,
- Les « café roulette » et les « Donut » (2 types de rendez-vous, café ou déjeuner, en binôme aléatoire avec un autre salarié, pour faire davantage connaissance, créer du lien et de l’entre aide),
- Être dans le viseur informel de son manager, passer une tête pour demander 5 mn.
Voyant qu’on ne pouvait plus s’appuyer sur nos outils et codes spécifiques, mis en place avant le confinement, notre laboratoire scientifique interne, spécialisé RH, a pris le relais pour creuser la question de l’onboarding en remote. Notre chercheur s’est penché sur une étude (codirigée par une chercheuse et un consultant chez Microsoft), composée de 95 entretiens et de 15 heures d'observation de cinq équipes travaillant en virtuel pour une grande société de logiciels transfrontalière aux États-Unis et au Canada (Not Seen and Not Heard : Onboarding Challenges in Newly Virtual Teams).
Le but : identifier les impacts spécifiques de l’onboarding en remote et ses implications sur le travail d'équipe à distance.
Ce que nous apprend l’étude « Hemphil L. et Begel A (2014) » *
Les cas d’étude d’entreprises en remote ne sont pas légion. Et ceux d’onboarding à distance encore moins. Cette analyse comparative, menée chez SoftCo (une société de logiciels Fortune 500, dans lePacifique Nord-Ouest) sur 5 équipes de développement de logiciels, embauchées à distance pour épauler des collaborateurs principalement basés aux USA, offre donc un regard relativement inédit sur la qualité du travail virtuel et l'intégration des employés à distance.
Il en ressort que :
- Le manque de communication informelle entre les onboardés en remote et leurs coéquipiers américains faisait que les nouveaux arrivants étaient souvent exclus des conversations sur le travail de leur équipe. La distance entravait leur capacité à établir des relations sociales avec leurs coéquipiers.
- Les outils que les équipes utilisaient pour communiquer ont cependant humanisé les onboardés, contribuant à les faire paraître plus réels qu'ils ne l'étaient par courrier électronique. Reste qu’il était difficile pour les onboardés en remote et leurs coéquipiers américains de comprendre leurs expériences mutuelles, car ils ne disposaient pas des relations informelles dans lesquelles ces expériences pouvaient être partagées.
- Le fait de ne pas voir le rythme de travail des uns et des autres a exacerbé les inquiétudes des nouveaux arrivants à l’égard du retard, même si presque tous les salariés onboardés de l’étude étaient finalement aussi productifs que le prévoyaient leurs managers.
- Les nouvelles recrues à distance n'étaient pas conscientes des attentes en matière de rendement. Et leurs coéquipiers américains n'avaient aucune idée de l'acquisition des compétences et des connaissances des nouveaux salariés.
- La distance avec la team a rendu difficile l’acquisition par les onboardés des connaissances tacites sur ce qui constitue un travail normal et excellent.
Le remote, une bénédiction et une malédiction
Pour les auteurs de l’étude, cet isolement des onboardés est à la fois une bénédiction et une malédiction. Une bénédiction car la distance empêche toute forme de distractions ainsi que la reproduction d’exemples négatifs – mauvaises habitudes des co-équipiers. Mais une malédiction aussi car elle sépare socialement le nouvel employé de l'équipe et l’empêche d’acquérir des connaissances tacites.
Les nouveaux salariés, qui ont pu voir leurs coéquipiers et qui ont participé à des conversations informelles, ont exprimé moins d'anxiété et d'insécurité. Presque tous les membres de l'équipe (y compris les gestionnaires, les mentors et les nouveaux employés) croyaient que les autres savaient tout ce qu'ils savaient, voyaient les mêmes choses qu'ils voyaient et entendaient ce qu'ils avaient entendu. Pour autant, aucune des parties n’a pu décrire complètement et précisément l'environnement de travail de l'autre ou la vie quotidienne. Preuve que les interactions restaient trop superficielles.
On en déduit que les principaux obstacles à un bon onboarding à distance sont d’une part la communication informelle réduite, et d’autre part « l’invisibilité » des membres de l'équipe...
Des pistes de bonnes pratiques sur l'onboarding en full remote
Les indicateurs de mesures d’un onboarding réussi en full remote
On l’a vu plus haut, la fréquence et la nature des interactions au sein des équipe impactent fortement l'efficacité et la rapidité de l'intégration des onboardés. Les chercheurs de l’étude, eux, parviennent à ces conclusions :
- Les équipes qui embauchent de nouveaux salariés à distance peuvent connaître une baisse de la productivité globale et de la qualité des produits. Mais les équipes dans lesquelles le manager encourage l’utilisation d’outils du type Zoom, ainsi que la valeur de l’inclusion des salariés à distance, ajustent leurs pratiques d’équipe plus rapidement, leur baisse de productivité est plus courte et moins profonde.
- Les équipes qui développent une documentation plus complète et à jour de leur processus, y compris des informations d’initiés traditionnellement tacites telles que le code, les outils, et les ressources permettent aux onboardés d’apprendre plus rapidement.
- Interagir fréquemment via des outils de communication synchrone (aujourd’hui, Zoom ouGoogle Room), réduit l’anxiété et améliore la productivité de l’équipe.
- Encourager les interactions individuelles non liées au travail entre les nouveaux onboardés éloignés de leurs équipes augmente l’intégration sociale des nouveaux arrivants et leur impact.
Nos illustrations concrètes chez Ignition Program
Nos deux derniers salariés onboardés n’étaient là que depuis un petit mois lorsque l’entreprise a dû se confiner. L’un d’entre eux, Édouard, business analyst, qui effectue un travail plutôt solitaire, a cependant eu le temps de voir au moins une heure une trentaine de personnes, et de participer à un séminaire, juste avant le lockdown.
Voici les pratiques d’Ignition Program en full remote qui, selon lui, ont été bénéfiques pour la suite de son onboarding. Mais aussi les points qu’il nous faudrait encore améliorer.
Ce qui a marché :
- « Les nombreuses visio ! Je travaille plutôt seul, avec certes pas mal d’échanges avec Tom, mon manager. Heureusement, le grand nombre de Zoom – brainstormings, réunions rituelles hebdomadaires ou soirées rigolades proposées par la teamUnir (Igni Voice, Top chef), m’a permis de voir les autres régulièrement. De me sentir vraiment au sein d’Ignition Program.
- Idem avec les groupes WhatsApp créés pour communiquer nos victoires, nos challenges, nos réunions ainsi que nos délires informels. J’ai pu y acquérir, au fil de l’eau, les codes et le jargon qui me manquaient encore.
- Le véritable alignement des valeurs, de la culture d’entreprise, très forte chez Ignition Program, avec les pratiques, même à distance. On est vraiment participatif, ce n’est pas artificiel :
- Il y a eu de nombreux ateliers, portés par des volontaires très enthousiastes, pour décider en commun de stratégies importantes telles que l’abandon des locaux ou les heures de temps de travail. Des outils de pilotage déjà existants sur l’implication des salariés (comme « Kiff ton taf », un typeform qui traduit chaque semaine le degré de socialisation, d’engagement ou de sidération) ont permis à chacun, en remote, de faire connaître son feeling durant le confinement. Et de pivoter notre modèle pour nous ajuster aux ressentis des salariés. S’y sont ajoutées des nouveautés, comme l’AMA (Ask me anything), une session en live pour répondre à toutes les questions que se posent les équipes.
- J’ai vraiment découvert les collaborateurs durant notre Startup Weekend en full remote, une grande première à distance ! Il s’est passé quelque chose de fort, qui a soudé les équipes autour de nouveaux projets.
- La grande disponibilité de Tom, mon manager, ultra processé. Et sa vision d’ensemble très fine d’Ignition. »
Ce qu’on peut améliorer :
- « Même si Ignition Program est une entreprise hors norme sur sa façon de créer du lien et de l’implication émotionnelle, c’est plus difficile de s’insérer à distance qu’en présentiel. Zoom, c’est sympa mais pas ultra convivial et ça ne remplace pas un lien physique.
- Il m’a manqué les bons documents. Quand une boite grandit vite, rien n’est à jour, c’est normal. L’onboardé travaille donc pour le suivant. Il produit la base de l’onboarding de demain. Il m’a manqué une structure, de la documentation.
- Avec le confinement et le travail en temps partiel, il a été difficile de se soutenir entre onboardés. On n’a pas pu bien socialiser avec Cécile, arrivée en même temps que moi, mais dans la team Portugal, nous étions trop accaparés par nos tâches, le nez dans le guidon.
- Reste le sentiment qu’il est difficile d’être écouté, alors même qu’on est dans une structure relativement exemplaire de ce point de vue. Cela ne vient pas forcément du remote, mais peut être davantage du chômage partiel. Les salariés étant pour certains à 20% de leur temps de travail quand d’autres sont à 50% ou à100%, on n’est jamais dans le même rythme. Il devient compliqué d’alpaguer l’autre à un bon moment pour parler. De ce point de vue, on peut encore améliorer le process de suivi et le temps consacré aux onboardés pour leur permettre d’avoir un impact plus rapide. »
L'onboarding, le mot de la fin
L’onboarding à distance, ce n’est pas mission impossible ! Il faut bien sûr user et abuser des bons outils technologiques, avec des rendez-vous fixes, préparés comme des réunions présentielles, pour permettre aux arrivants de faire partie d’un tout. Réunions d’équipe, de groupe, mais aussi des visios plus informelles sur des sujets culturels ou fun, à l’initiatives des salariés, pour conserver la culture d’entreprise existante. L’idée : que le nouvel arrivant puisse sociabiliser, trouver les bons codes/outils/interlocuteurs, afin qu’il s’autonomise le plus vite possible.
Reste aux managers à tâtonner un peu, à la recherche de ce savant dosage dans le suivi des onboardés. Il suffit pour cela de revenir quelques années en arrière, dans la peau du nouveau qu’on a un jour été, et se remémorer le magma émotionnel : l’excitation, l’adrénaline, le stress, le désir de perfection et, jusqu’à ce que l’on trouve ses marques et sa propre légitimité, ce trop long inconfort…
*Sources Hemphil L. et Begel A; (2014) "Not Seen and Not Heard: Onboarding Challenges in Newly Virtual Teams"Research Gate (2020)
Libby Hemphill Department of HumanitiesIllinois Institute of Technology Chicago, Illinois, USA libby.hemphill@iit.edu1 et Andrew Begel Microsoft Research Redmond, Washington, USAandrew.begel@microsoft.com (2014)
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